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Ami de Mazone de longue date, nous avons demandé au chef Nerwin Guzman de nous parler de sa perception du gâchis. Il nous partage dans cet article une pensée très profonde et touchante.

« En tant que chef cuisinier juif, évoluant dans un environnement d’abondance et de luxe, la notion de bal tachehit – ou destruction vaine, a toujours été au centre de mes réflexions.

Notre tradition nous enseigne de ne pas détruire ce qui peut servir à l’homme. Ceci est puissamment imagé dans la Torah (Deutéronome 20 :19-20) concernant les règles en temps de guerre, nous enseignant que même sur le champ de bataille ou la destruction est la règle, l’homme juif doit prendre soin de ne pas détruire les arbres fruitiers.

Cette image comporte une dimension alimentaire, puisque ces arbres fruitiers portent en eux la possibilité de nourrir l’homme, mais pas seulement.

Le contexte de guerre, donc de destruction, nous alerte sur le fait que si dans de telles conditions extrêmes il nous est interdit de détruire ce qui peut nourrir, a fortiori en temps de paix. Ce qui nous donne une idée de l’intensité de cette obligation.

Ce qui est édicté pour les arbres fruitiers, s’appuyant sur le besoin primaire de se nourrir, peut également être extrapolé aux autres besoins primaires comme s’habiller, se chauffer, se loger. En bref, les ressources qui nous sont offertes ne nous appartiennent pas, elles nous sont prêtées avec amour. Gaspiller revient à détruire, négliger ce qui ne nous appartient pas.

Vous comprendrez que dans le domaine de la cuisine gastronomique dans lequel j’évolue, cette notion est particulièrement importante. Elle me guide. Les produits de luxe, l’abondance dans lesquels j’évolue, ne doivent pas porter en eux la négligence ou pire le sentiment de puissance ou de possession.

J’en ai la pleine conscience. Au contraire ma responsabilité à respecter ces biens précieux est dédoublée. Cet ingrédient spirituel peut vous être imperceptible, mais ne vous y trompez pas, je le mets dans mes créations. On dit souvent qu’un plat est fait d’ingrédients, de patience et de beaucoup d’amour, je rajouterai que j’y mets cette dimension de responsabilité et gratitude. J’ai l’ambition de penser qu’ainsi je ne touche pas seulement vos sens, mais aussi votre âme. »